Exocytose
A Jordy, que j'aime,
A Andrew, qui comprendra cette chronique mieux que quiconque.
Les personnes qui s’aiment, ou même juste qui s’apprécient véritablement, devraient se quitter à l’acmé de leur relation. Car, tout comme il est prouvé que tout ce qui monte redescendra, il est indiscutable que tout ce qui est bien se dégradera. L’idéal serait que les deux concernés se séparent exactement au même moment, à la seconde près, en sachant que l’autre agit pareillement et qu’ainsi personne ne sera triste. Un peu comme ces grandes scènes de cinéma souvent pathétiques où deux amants se mettent à courir dans des directions opposées sans se retourner. Ma vie n’est pas un film, Jordy et moi ne sommes pas arrivés à nous quitter avant.
Amélie Nothomb écrit « Me fut épargné cet épisode sinistre entre tous, barbare et mensonger, qui s’appelle la rupture. Sauf en cas de crime ignoble, je ne comprends pas qu’on rompe. Dire à quelqu’un que c’est terminé, c’est laid et faux. Ce n’est jamais terminé. Même quand on ne pense plus à quelqu’un, comment douter de sa présence en soi ? Un être qui a compté compte toujours.» C’est bouleversant de vérité. Une exception demeure : quand aimer vous détruit, et chaque jour un peu plus. Dans ce cas l’instinct de survie met fin à cette situation dangereuse, souvent de manière brutale. Personne ne peut se permettre de vivre en permanence avec cette boule au ventre, de transformer ses oreillers en éponges lacrymales, de consacrer toute son énergie à lutter contre la douleur.
S’arracher le cœur fait suffisamment mal en soi, mais ce qui vous achève est l’indifférence totale de l’être aimé à votre geste. En même temps l’absence de toute réaction de la part de Jordy me confirme que c’est ce qu’il fallait faire. Néanmoins en rentrant chez moi aujourd’hui je me suis remis à espérer le trouver sur le perron. J’ai tellement rêvé la scène : je l’aperçois et en une seconde j’oublie tout sauf mes sentiments, une chanson de James Blunt passe au ralenti dans ma tête et je me jette dans ses bras en pleurant. Encore une connerie de cinéma. Le résultat d’une éducation sentimentale abreuvée d’histoires à la Rose et Jack. Je veux du Grand, du Beau, du Vrai. Il est trop tard pour y changer quoique ce soit. Et je ne le voudrais pas.